Il était une fois un chasseur qui sortait chaque jour dans les grasses prairies et les sombres forêts.
Il ramenait tous les soirs de quoi se nourrir le lendemain.
Un jour, il prit le plus gros perdreau de sa vie et décida de le faire cuire au four du village en le truffant de bonnes choses : épices, ail, oignon, plantes aromatiques...
Il le porta de bon matin et demanda au boulanger de faire très attention à ce délicieux repas et de ne pas trop le faire cuire afin de ne pas le griller complètement.
Comme par hasard, ce jour-là, le cadi dans sa promenade quotidienne passa devant le four et fut frappé par l'odeur alléchante qui émanait du four.
Sa curiosité le poussa à entrer et à demander au boulanger :
- Qu'avez-vous de si bon dans votre four ?
- Oh rien, ce n'est qu'un perdreau truffé appartenant au chasseur du village qui en fera son repas, répondit le boulanger.
- Vous allez me donner ce délicieux perdreau, j'en ferai mon repas d'aujourd'hui, répondit le cadi.
Il en avait l'eau à la bouche.
- Mais, répliqua le boulanger embarrassé, je ne peux vous donner ce qui ne m'appartient pas, que dirais-je au chasseur ?
- Tu vas me donner ce que je te demande et, lorsque le chasseur viendra, tu essaieras de te débarrasser de lui ; si tu n'arrives pas à le convaincre, alors tu lui diras d'aller voir le cadi. Moi, je mettrai un terme à tout cela, conclut le cadi.
Le cadi emmène donc le perdreau et, à midi, le chasseur arrive pour chercher son repas.
- Tu ne m'a s rien donné et dans le four, il n'y a que du pain, lui dit le boulanger.
- Comment, je t'ai donné ce matin un perdreau truffé à faire cuire, s'écria le chasseur.
- Tu ne veux pas me croire, allons voir le cadi, lui jugera notre querelle, répondit le boulanger.
Cette proposition fit l'affaire du chasseur : ils vont tous deux chez le cadi.
- Racontez-moi votre histoire, demande le cadi, en s'adressant au chasseur avec malice.
- Eh bien, Excellence, j'ai donné un perdreau truffé à faire cuire à ce boulanger. Quand je suis venu le chercher, il a prétendu que je n'avais rien donné. Je veux mon perdreau, c'est mon repas.
Le cadi, bien sûr, avait préparé la réponse qu'il ferait au chasseur, il lui dit donc ironiquement :
"cette plainte mérite l'ouverture du livre sacré qui nous donnera la solution de ton problème". Le cadi ouvre un livre et reprend : "Le livre sacré dit que le perdreau s'est envolé".
Le chasseur surpris répond au cadi : "Peut-être que le perdreau s'est envolé, mais est-ce que les épices, l'ail et les arômes se sont envolés avec lui ?" Alors le cadi s'étonne de la finesse du chasseur et avoue :
"C'est moi qui ai pris ton perdreau parce que l'odeur a chatouillé mes narines et je n'ai pu résister.
Maintenant je vais te payer ton perdreau et je t'invite à déjeuner."
Ainsi, le chasseur fut convié à la table du cadi et, en plus, il reçut un sac d'or, en guise de récompense.
Bien penser, bien dire, font faire de grand chemin.