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LES TROIS ARBRES version de Jean Humenry, Les trois arbres «Voyage au long cœur » collection « Mille textes » Format imprimable  Format imprimable (pour imprimer le conte)

Il était une fois sur une montagne, trois petits arbres qui discutaient de ce qu’ils feraient quand ils seraient devenus grands.

Le premier petit arbre émerveillé par les étoiles et la lune disait : « Moi, quand je serai grand, je voudrais qu’on me transforme en coffre à trésor et qu’on me remplisse d’or et de toutes les plus belles pierres précieuses du monde. »

Le deuxième petit arbre qui aimait à regarder scintiller sous la lune les eaux claires de la rivière avant qu’elle ne se jette au loin dans les vagues d’écume de la mer disait : « …Je voudrais qu’on me transforme en un formidable trois-mâts… commandé par un vaillant capitaine… et affronter tous les océans du monde. »

Le troisième petit arbre se plaisait à regarder les lumières des villages qui brillaient dans les yeux des enfants aux jours de fête : « Moi, quand je serai grand, je voudrais être encore plus grand que grand et tellement grand que chaque fois que l’on me regardera, on sera obligé de lever très haut les yeux et comme cela, on pensera à Dieu »…

Le temps s’écoula longtemps au grand sablier de la montagne, au murmure des sources, au clapotis des ruisseaux. Les printemps succédèrent aux hivers, puis laissèrent la place aux étés.

Les trois petits arbres avaient changé, pris de la force, de la stature, un tronc vigoureux, des branches et des branchages. Un matin d’automne, des voix résonnèrent sur le sentier. Les oiseaux firent silence… les arbres se mirent à trembler de toutes leurs feuilles…

Trois bûcherons s’approchèrent des arbres.

Le premier bûcheron regardant le premier arbre le déclara parfait et à grands coups de hache le fit tomber sur le sentier.

Le deuxième bûcheron voyant le deuxième arbre le trouva vigoureux et à grands coups de hache le coucha sur le sol boueux.

Le troisième bûcheron se chargea du troisième arbre et à grands coups de hache il le fit culbuter dans l’allée.

Les trois arbres gisaient maintenant sur le flanc de la montagne. Chacun sous son écorce imaginait la suite de son destin. Le premier arbre allait enfin pourvoir vivre le rêve de sa vie. Il se retrouverait bientôt dans la bonne odeur de colle et de copeaux de bois de l’atelier du menuisier. Mais il ne savait pas encore que dans les commandes du jour ne figurait pas le moindre coffre à trésor… mais seulement des mangeoires pour les animaux…

Après deux jours et deux nuits de voyage, le deuxième arbre allait enfin se retrouver sur les galets gris du chantier naval. Les cris aigus des mouettes lui tournaient déjà la tête. Il ne pouvait pas encore se douter de la mauvaise surprise qu l’attendait…Pas un seul armateur n’avait passé commande pour un trois-mâts…Seul un pêcheur avait passé commande pour une petite barque de pêche…

Quand au troisième arbre qui n’était plus que désespoir, on le débita en poutres qu’on mit à sécher le long d’un mur chez un charpentier. Beaucoup de mois, beaucoup d’années passèrent sur les rêves détruits des trois arbres. Beaucoup d’insectes dans leur bois, beaucoup d’araignées, beaucoup de poussières, beaucoup de désespérance…

Les arbres avaient fini par oublier leurs rêves. Ils avaient cicatrisé. Ils s’étaient installés dans les torpeurs de l’habitude. Ils n’attendaient plus rien…

 

Le premier arbre, devenu mangeoire, ne sentait même plus la caresse des animaux tirant sur le foin…Quand une nuit d’hiver, la douce lumière d’une étoile se posa sur lui. Un jeune homme et une jeune femme vinrent s’abriter dans l’étable. Au milieu de la nuit, la jeune femme mit au monde un bébé que l’homme coucha dans la mangeoire. Ainsi le premier arbre comprit que son rêve se réalisait.

 

Encore bien des coups de vent, des jours de pluie, des hivers glacés passèrent sur les rives du lac où le deuxième arbre devenu petite barque de pêcheur pourrissait lentement dans une mauvaise odeur de poisson… Lorsqu’un soir d’été, un groupe d’hommes voulut traverser le lac : ils embarquèrent et soudain, au milieu du lac, une tempête se leva comme on n’en avait jamais vu. L’homme qui semblait être le chef se leva dans la barque, tendit les bras et calma la tempête. Ainsi le second arbre comprit que son rêve se réalisait.

 

Peu de temps après cet événement, la ville se mit à résonner d’une étrange rumeur : les gens étaient énervés, on entendait des cris, des bottes de soldats, ça sentait la violence, la vengeance, l’injustice… Des hommes vinrent tirer de son hangar et de sa torpeur le troisième arbre transformé en poutres… Ils mirent ses poutres en croix, et sur cette croix ils clouèrent le Fils de l’Homme. Le troisième arbre sut alors que son rêve se réalisait puisque désormais chaque fois qu’on le regarderait, on penserait à Dieu.









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Isabelle de contes.biz