Sur Venise, en ce temps de carnaval, flotte un air de fronde, de douce euphorie et Don Luigi est tout remué.
Don Luigi, la quarantaine fort bel homme, aisé et courtisé était aujourd'hui prêt à toutes les folies, n'est-ce pas son dernier carnaval de célibataire ??
Une belle maison longeant le Grand Canal, où sa gondole était toujours prête à toutes les escapades, des échappées faites de fêtes de musique et ...., mais sa vie allait changer.
Sa vie de célibataire allait prendre fin, Don Luigi prendrait femme après Pâques. Il unirait sa vie à celle de la belle Lucia, la fille de son ami le Comte d'Este.
Ce carnaval se devait d'être débridé, joyeux, fou et frondeur. Son tailleur avait taillé et cousu dans les plus beaux reps, velours, satin des costumes fabuleux, l'artisan avait moulé des masques divers et le tout trônait dans le salon.
Ce soir, Don Luigi se rendrait au bal de la duchesse "Pipi la Tortue" tôt dans l'après-midi.
Don Luigi régnait en maître dans la salle de bains, fredonnant " toréador ", sifflant. Avant de commencer sa toilette, là devant la glace, il fait un examen approfondi de son visage, car sur la narine droite, une verrue, 3 poils roux, cela le gênait depuis toujours et Don Lui se vengeait à sa manière en tirant ces poils, en triturant sa verrue et jamais il n'entendait les petits cris de son nez
- "Aie, tu me fais mal, arrête ..."
Et cette après-midi, alors qu'il tentait d'arracher ces poils, son nez se détache de son visage, s'envole vers le coussin bleu posé sur le guéridon. Saisi d'effroi Don Luigi le visage horrible, un gros trou à la place du nez épaté, reprend ses esprits et court après son nez.
- Mais mon nez, dit-il,
et le coussin de lève, s'envole, le nez lui fait la nique et le coussin passe parla fenêtre.
Don Luigi le voit se poser sur une gondole de passage. Les cris "reviens,mon nez !" de Don Luigi sont inutiles, vogue gondole coussin nez... Don Luigi saisit un masque, dévale les escaliers et demande à son gondolier de poursuivre la gondole avec le coussin bleu. Mais le gondolier a beau ramer, se hâter... Las Don Luigi tente d'avancer son bras et une fois encore un petit air emporte le coussin bleu et son chargement avec, pour Don Luigi, une esquisse de pied de nez ...
Il ne reste plus à Don Luigi qu'à rentrer chez lui, fort marri ... Et il lui faudra quitter le bal avant minuit ... alors que les meilleures heures arrivent ...
De retour chez lui, il prie son jardinier, son valet de chambre d'errer dans les ruelles à la recherche de son nez. Il croise aussi Emma, sa cuisinière, qui se rend au marché.
-Dis Emma, si tu rencontres mon nez ...
Et il baisse son masque ....
-Regarde il m'a faussé compagnie.
Horrifiée, Emma promet d'être attentive, car le nez de Don Luigi, elle connaît, épaté une grosse verrue, 3 poils roux.
- Emma, dit encore Don Luigi, si tu le rencontres, mets y le prix et ramène le moi.
Emma, fait quelques achats et se dirige vers l'étal de Bruno, le poissonnier.
Et là trônant en bonne place, le coussin bleu surmonté du nez de Don Luigi. Emma l'aurait reconnu entre mille, cette verrue sur la narine droite et ses 3 poils raides et roux.
- Dis-moi, Bruno qu'offres-tu sur ce coussin bleu ?
Tu sais Pietro le pêcheur, me l'a apporté tout à l'heure. Il s'agit d'un fruit de mer fort rare que l'on ne pêche que chaque 25 ans, d'où le prix ...
Emma contrôle sa bourse, elle n'a pas suffisamment de lires.
- Bruno je reviens à l'instant, prépare quelques vongoles, quelques coques et une
raie et réserve-moi le coussin bleu et son précieux trésor.
Elle se hâte, Emma, heureuse d'apporter la bonne nouvelle à Don Luigi. Depuis le jardin, elle le hèle, ses mains en porte voix.
- J'ai retrouvé votre nez, mais il me faut des lires.
Don Luigi lance une bourse bien garnie. Il est partagé entre le bonheur, la colère et la joie. Il se cale dans son fauteuil, se donne contenance et se demande sincèrement comment il va recevoir son fugueur.
Emma rentre, pose le coussin devant un Don Luigi, calmé, ravi
-"Alors, dis-moi mon nez, Pourquoi m'avoir quitté et aujourd'hui encore ?
- Et bien, lui dit le nez : voilà plus de 30 ans que tu me maltraites, que tu
me ramones tantôt une narine, tantôt l'autre, avec des ongles longs,
parfois noirs, sales et j'ai pu me lamenter, mais tu ne m'as jamais
entendu....alors je suis parti.
- Ne méritais-tu pas une leçon ??
- Je veux bien reprendre ma place, mais si une fois encore tu me maltraites
ou me ramones, ou si tu tires mes poils roux, et bien je m'en irai à tout
jamais et à toi, il ne te restera qu'à te rendre chez le Professeur pour
te refaire un nez, mais en plastique celui-là !!!