La porte s’était refermée brutalement comme à chaque fois, comme les autres fois.
Sarah se précipita avec rage, les deux poings serrés et tambourina frénétiquement.
- Laissez-moi, je vous en prie, laissez-moi sortir !!!
Elle savait déjà que ses cris, comme à chaque fois resteraient sans réponse. Elle s’effondra, découragée. Les larmes inondèrent comme un torrent ses joues rouges de colère, de peur et de froid.
Elle connaissait la cabane par cœur, le bois entassé, à droite, en bûches uniformes, bien calibrées, prêtes à être jetées dans la cheminée, qu’elle ne voyait jamais. De l’autre côtés, des cartons délaissés, éventrés, déformés. Derrière elle, une malle, gigantesque noire et or dans laquelle ses geôliers avaient menacés plusieurs fois de l’enfermer.
La nuit était tombée depuis longtemps déjà, la tempête s’était levée, l’air se chargeait des effluves de la mer toute proche.
Sarah, assise en tailleur crut entendre une voix.
- Tu devrais l’ouvrir, disait-elle.
Elle était secouée de tremblements incontrôlables.
- Ouvre la malle Sarah, viens…
D’un revers de la manche, elle tenta d’éponger les larmes qui troublaient sa vue et tourna la tête lentement. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir deux lutins endimanchés, la main dans la main, LUI un chaperon suranné et difforme laissant échapper quelques boucles hirsutes, ELLE un fichu élimé jaune paille noué à la hâte sous son menton fripé.
Sarah se releva dans un élan pour aller se réfugier contre les cartons et s’enfonça dans l’humidité automnale de la matière.
- Laissez-moi, hurla t-elle, n’approchez pas !!!
Ils reculèrent de quelques pas, LUI ôta son chaperon ridicule et prit un air gêné.
- Ne te méprends pas petite, grand peine tu nous fais, c’est pourquoi nous avons décidé de te venir en aide. La malle te sera d’un grand secours, tu peux nous croire, tu n’es pas la première…
ELLE tenta de s’avancer.
- Ouvre-la, Sarah, tu ne le regretteras pas.
*
Il lui fallut toute la force du désespoir pour compenser la peur incommensurable qu’elle ressentait.
Il lui fallut la certitude que rien de pire que le traitement qu’elle avait subi jusqu’alors ne pouvait lui arriver.
Il lui avait fallu contrôler ses mouvements désordonnés pour saisir le loquet de cuivre, le faire basculer à la verticale, faire coulisser la tige métallique, soulever le battant imposant pour découvrir le contenu énigmatique de cette malle surdimensionnée.
Un vide, le vide, le néant, la déception.
Découragée, elle allait la refermer lorsque son regard fut attiré par une bordure enluminée. Elle se pencha pour atteindre cette lumière inattendue, tendit le bras, bascula le bassin et tomba la tête la première à l’intérieur. Sous le choc, le battant retomba violemment et Sarah se retrouva prisonnière. Sa main avait atteint la clarté singulière qui avait attisé sa curiosité, elle s’en saisit et réalisa qu’il s’agissait d’un livre. Sans plus réfléchir, elle l’ouvrit au hasard. Une lumière tamisée et diaphane envahit l’habitacle étroit et rassura la petite fille.
Elle caressa la page ou s’inscrivait ces quelques mots « Il était une fois… », elle suivit du bout du doigt la forme calligraphiée du i majuscule et sentit indiciblement qu’il s’enfonçait dans le paysage apaisant fait de fleurs aux formes harmonieuses, de soleil, d’enfants heureux et de fête foraine.
Elle se sentit aspirer délicatement par l’ouvrage et se laissa glisser au milieu du l’image.
*
Assise sur une colline bucolique, elle respira l’odeur enivrante des fleurs alentour, elle caressa le duvet composé d’une herbe tendre et moelleuse, elle entendit au loin les rires joyeux d’autres enfants et vit s’éloigner à pas lents deux lutins qui se donnaient la main, LUI, un chaperon suranné et difforme laissant échapper quelques boucles hirsutes, ELLE, un fichu élimé jaune paille noué à la hâte sous son menton fripé.