Il était une fois un grand-père et une grand-mère. Tous les jours, le grand-père allait en montagne ramasser du petit bois pour faire des fagots. Il accrochait toujours le baluchon qui contenait son repas à la branche d'un arbre pendant qu'il travaillait. Un jour, l'heure du déjeuner étant venue, il ouvrit son baluchon et fut bien surpris : un moineau dormait dedans! Il ne restait pas une miette du repas, et le grand-père comprit que c'était le moineau qui faisait la sieste qui avait tout mangé. Le grand-père emmena ce joli petit oiseau avec lui quand il rentra à la maison.
Le grand-père et le moineau devinrent de très bons camarades et étaient inséparables. Pendant son travail, pendant les repas, le moineau voletait toujours autour du grand-père, ou s'asseyait sur son épaule. Le grand-père aimait beaucoup son oiseau, et le nomma "Piou piou", le cajolant et jouant sans cesse avec lui. Un jour, grand-père partit travailler à la montagne en laissant Piou-piou à la maison. La grand-mère mit du riz à cuire pour préparer de l'amidon et partit faire la lessive à la rivière voisine. Le moineau était friand de riz, et il picora un peu dans la bouillie. Il pensait bien que grand-mère se fâcherait, mais la bouillie était si bonne qu'il ne put résister et picorant, picorant encore, finit par tout manger.
Quand grand-mère rentra de la rivière et s'aperçut que toute la bouillie de riz avait disparue, elle se mit fort en colère. Elle cria :
"Qui a mangé toute la bouillie que j'avais préparée?", et regardant l'oiseau, vit que son bec était plein de bouillie. Grand-mère était furieuse; elle criait :
"Méchant oiseau! Sale moineau!", et attrapa le moineau. Pour le punir, elle lui coupa la langue avec une paire de ciseaux et le chassa. Quand grand-père rentra le soir, il appela son oiseau, comme d'habitude :
"Piou-piou, Piou-piou, je suis rentré!"
Mais il n'y avait pas trace du moineau. Il demanda alors :
"Grand-mère, sais-tu où est Piou-piou?", et sa femme lui répondit :
"Ce méchant oiseau a mangé toute la bouillie de riz que j'avais préparée; pour le punir, je lui ai coupé la langue et l'ai chassé."
Grand-père se fâcha et lui dit :
"Quelle horreur! Tu as été bien méchante!" et partit à la recherche de son oiseau.
Grand-père marcha longtemps, et enfin arriva au bord d'une rivière. Là se trouvait un vacher. Il lui demanda :
"Vacher, as-tu vu mon oiseau, le moineau à la langue coupée?"
Celui-ci lui répondit :
"Oui, j'ai vu ton oiseau; mais si tu ne bois pas sept baquets de l'eau qui m'a servi pour laver ma vache, je ne te dirai pas où il est allé."
Grand-père se força donc à boire sept baquets de cette eau sale. Alors, le vacher lui dit :
"Continues ce chemin tout droit, et demande de nouveau au fermier que tu rencontreras."
Grand-père reprit la route, et arriva à l'endroit où se trouvait le fermier, qui lavait son cheval. Il lui demanda :
"Fermier, as-tu vu mon oiseau, le moineau à la langue coupée?"
Celui-ci lui répondit :
"Oui, je l'ai vu; mais si tu ne bois pas sept baquets de l'eau qui m'a servi pour laver mon cheval, je ne te dirai pas où il est allé."
Grand-père but donc encore une fois sept baquets d'eau sale. Le fermier lui dit alors :
"Continue ce chemin dans la montagne, et va jusqu'à la forêt de bambous; là tu trouveras la demeure de ton oiseau."
Grand-père continua donc sa marche dans la montagne, et entra dans la forêt de bambous.
Grand-père arriva enfin à la maison du moineau, et lui dit :
"Piou-piou, grand-mère a été bien méchante avec toi; pardonne-moi, je t'en prie."
L'oiseau que le grand-père aimait tant était aussi très heureux de le revoir, et lui offrit à manger, le fit se reposer de son long voyage. Tous deux étaient très gais et parlèrent de mille choses. Grand-père se préparait à rentrer et pensait emmener Piou-piou avec lui, mais le moineau refusa, lui disant :
"Je ne peux pas retourner chez grand-mère."
Grand-père était bien triste de rentrer sans Piou-piou, mais il comprenait bien que le moineau ne veuille pas revenir. Il allait donc partir quand Piou-piou apporta deux malles, une petite et une grande, et dit :
"Grand-père, je t'offre une de ces deux malles en souvenir; laquelle veux-tu, la grande ou la petite?"
Comme grand-père était âgé, il répondit que la petite était bien suffisante pour lui, et partit avec la petite malle sur son dos. Quand il fut arrivé à la maison, il ouvrit la malle, et grand-mère et lui furent bien étonnés : elle était remplie d'or, d'argent, de bijoux; c'était un véritable trésor! Au récit de grand-père, grand-mère se mit en colère :
"Mais pourquoi as-tu donc choisi la petite malle? Puisque c'est ainsi, moi je vais aller chercher la grosse!"
Grand-mère partit donc, et suivit le chemin que grand-père lui avait indiqué. Elle arriva à l'endroit où se trouvait le vacher, et lui demanda :
"Vacher, as-tu vu le moineau à la langue coupée?"
Celui-ci lui répondit :
"Oui, je l'ai vu; mais si tu ne bois pas sept baquets de l'eau qui m'a servi pour laver ma vache, je ne te dirai pas où il est allé."
A ces mots, grand-mère se mit en colère et lui dit :
"Quoi? Tu ne penses pas que je vais boire cette eau dégoûtante! Je sais où il faut aller, je n'ai pas besoin de toi."
Grand-mère se remit en route, et rencontra le fermier; de la même façon, elle refusa de boire les sept baquets et marcha jusqu'à la maison du moineau.
Une fois là, Piou-piou lui demanda :
"Grand-mère, pourquoi es-tu venue me voir?"
Celle-ci lui répondit :
"Jusqu'à présent j'ai toujours veillé sur toi, aussi je viens te rendre visite."
Le moineau à la langue coupée servit à manger à grand-mère, mais celle-ci lui dit :
"Je suis pressée, donne-moi mon cadeau, il faut que je rentre."
Piou-piou apporta alors les deux malles, et dit à grand-mère :
"Laquelle veux-tu, la grande ou la petite?"
Bien sûr, grand-mère choisit la grande malle :
"Je suis encore jeune et en forme, donne-moi la grande malle." et partit en portant la lourde malle sur son dos.
Après avoir marché quelque temps, grand-mère commença à être fatiguée, et décida de s'arrêter un instant. Elle avait également très envie de voir ce qu'il y avait dans la malle, mais Piou-piou lui avait bien recommandé de ne pas l'ouvrir avant d'être rentrée chez elle. Grand-mère voulait tellement voir quels trésors elle possédait qu'elle passa outre et souleva le couvercle. Alors des serpents, des mille-pattes et un tas d'autres bêtes et monstres sortirent de la malle, et punirent la grand-mère qui avait coupé la langue du moineau