Les contes pour enfant du monde

Le chien



Mon chien est, comme tous les autres chiens, le plus intelligent. Je lui cause, demande des services, de montrer ce qu’il sait faire quand il vient quelqu’un, en bref, j’en suis fier. Est-il le reflet de ce que j’ai voulu qu’il soit ou le reflet de mon ego ? Non, il est le plus malin. Quand j’ai du chagrin, c’est sur son petit dos que je m’appuie et que j’essuie mes yeux. Lui ? Il sait tout de moi ! Comme chaque maître, je vais vous dire qu’il ne lui manque que la parole, pourtant c’est vrai, tenez écoutez cette histoire.

Quand il jappe d’une certaine façon, je sais ce qu’il veut, il a soif, il veut à manger, il veut des caresses, mais quand il a décidé de ne pas s’arrêter de japper, rien ne le fera stopper. Une fois, il jappait et devant l’insistance des ses aboiements, j’ai mis le nez dehors pour regarder ce qu’il s’y passait. Un gros chien, teigneux, pas beau et sale comme un cochon sortant de son bain de boue, tournait autour du mien. Cet étranger bravait, cranait devant ma petite bête qui désespérément le grondait, le jappait pour le faire partir. D’un coup de voix j’ai essayé de calmer la situation, mais ai-je surpris cet intrus ? Le voici qui me fonça dessus. Pour m’agresser ? Je ne peux prétendre de rien. Enfin, l’histoire ne s’arrête pas à cet instant, croyant que le gros chien allait me blesser ou me mordre le mien s’interposât, au risque de se faire estropier lui-même. C’est alors que l’incroyable se passa, cette pauvre bête toute sale, si maigre m’avait reconnu. Un jour dans le hasard de mes promenades, je vis ce chien dans la campagne, seul, affamé, je l’avais appelé, et après quelques insistances, il est venu vers moi, la queue basse. J’avais partagé mon déjeuner avec lui tellement la pitié m’envahie de voir dans quel état ce misérable était. Aujourd’hui, sûrement en quête d’un morceau quelconque à grignoter, il est entré par hasard dans ma cour, et là, mon gardien, mon ami, ne le connaissant pas, avait cru bien faire de me prévenir. C’est avec stupeur de ma part que ce vagabond se mit à me lécher, m’ayant reconnu. Devant ce spectacle, mon roquet ne sut plus quelle attitude prendre. L’émotion retombée, je ne pus le laisser repartir ce malheureux comme ça, je lui offris ce que pour moi j’aurais appelé un repas de noce. Il se pourlécha les babines et renifla partout autour de la gamelle pour voir s’il ne traînait plus quelques miettes. Ensuite, il me regarda, regarda mon chien, mon chien me regarda, regarda cet SDF, et j’ai cru comprendre dans tous ces yeux qui dévisageaient tout le monde à tour de rôle, que mon ami me demandait de ne pas remettre à la rue cet animal. J’ai cédé, il est maintenant dans la cour et je vous défie d’y rentrer sans qu’il me prévienne, il trottine toute la journée d’un bout à l’autre comme s’il avait une dette envers moi et qu’il ne voulait pas faillir à son service. Les deux chiens devinrent copains, et devant tant de joie qu’ils me donnent, je ne sais plus lequel des deux est le plus intelligent, les deux, parce que se sont les miens.





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