Il y a des ères et des ères, au temps où les oiseaux parlaient, le corbeau était habillé de gris. Elégant, soucieux de sa parure, il alla trouver un jour le hibou, qui exerçait,comme chacun sait, la profession de teinturier.
« Cher hibou, ma robe grise est terne, je souhaiterais la remplacer par quelque chose de plus gai, de plus éclatant !
Je n’ai pas de temps à perdre ! grommela le hibou. Dites-moi exactement ce que vous désirez, j’ai d’autres clients à teindre avant ce soir !
Eh bien, fit le corbeau songeur, j’aimerais assez la robe du pic-vert : le dos d’un beau vert brillant avec un léger dégradé sur le ventre, dans les nuances gris clair, vert amande, la calotte rouge, bien entendu, les moustaches noires… Ah, j’oubliais,une tache rouge juste au milieu des moustaches…
Tout cela est bien compliqué, marmonna le hibou, oû-ho.. oû-ho..
Il se mit au travail, mélangea dans ses grands chaudrons en ébullition les diverses teintures. Mais la tâche était difficile, et la nuit tombait.
« Je vous ai demandé un ton plus doux pour le dessous, un vert pâle ! protesta le corbeau. Et la calotte, je la veux rouge pourpre, vous me proposez un rouge violine ! Ce n’est pas cela ! «
Le hibou agitait ses aigrettes sans répondre, il mêlait furieusement les couleurs, il transpirait.
« Décidément, constata le corbeau, déçu, vous n’y arrivez pas ! Le plus simple est que nous essayions autre chose : je préfère à la réflexion la robe du martin-pêcheur : bleu-vert scintillant, métallique pour le dos, un peu de brun et de roux sur le ventre, la gorge blanche, et tout sera parfait !
Vous m’embrouillez ! s’emporta le hibou, je ne sais plus si vous voulez du vert ou du bleu, du brun, du rouge ou du blanc, si vous voulez ressemblez à un pic-vert ou à un martin-pêcheur ! ! «
Et dans un accès de colère, il renversa ses chaudrons, et teignit le corbeau…en noir.