Les contes pour enfant du monde

L’odyssée Ora et Gad
Alain Cocarix, 66 ans


Préface

Il s’agit d’un voyage encyclopédique du passé vers le futur. Le récit abrite un artifice de raisonnement : à chaque mot remplacé le texte entier a été soumis à des calculs (lettres et espaces) au résultat invariable. Ceci pour obliger l’auteur à scruter l’ensemble de toutes les phrases écrites et proposées. Cette méthode coercitive a fait office de tamis d’orpailleur, source de découvertes heureuses, mais également de ruche aux abeilles de feu où l’âme trouve à faire son miel.

À mes hôtes, férus d’érudition, je souhaite bon vent, bonne mer et de belles eaux turquoises !

 

L’odyssée Ora et Gad

En 263 av. J.-C., au clair croissant de lune d’un matin bleu fluorescent, une trière à trois volées de rameurs retourna son éperon vers Rhodes, chef-lieu du colossal dieu Hélios surplombant le havre de Mandraki, statue qui fredonne le chant du marinier selon le vent du large. En passant par l’orientale Lydie, héritière des harems assyriens, la trière-école mouilla l’ancre de plomb et de bois et par incantations rituelles y débarqua un moussaillon homérique, à son insu au vaillant cœur du fils de mère Zilpah : Gad, jeune apprenti voyageur aux ailes naissantes.

Ora et Gad, rajeunis grâce au jardin parfumé de l’érudite Alexandrie, sous la Grande Ourse et aux abords de l’île Pharos, gravirent la spirale infinie allant à Poséidon. En plein ciel leur sang ralentit et le sol dépeignit, à pinceau tendre, l’Olympe peuplée de végétaux et d’oiseaux. Ora, fascinée, s’adossa contre la chaude épaule d’un triton-lanterne perché à l’angle du paradis. Ainsi, par art de féerie, le mi-humain en bronze appareilla la voile du grand mât de leur galère illicite, sur l’eau au démiurge soleil de la pensée, au port-saint d’eternels yeux attentifs. 

Aux marécages à l’ouest des bouches du Nil, les deux époux ayant à l’aube orné les oreilles de l’univers au cours d’une cantilène à Sirius, dans la foudre et les éclairs, furent chavirés par le déferlement d’une vague d’argent. Cela en revenant d’Egypte et du pays de leurs ancêtres. Sans faire de remous face au sort subit qui les attendait, bouleversé il questionna, elle pria, il conjura Zeus, Hadès et ses flots sans gêne, oint de l’huile d’olive surnageant l’écumante toge blanche du naufrage. Gad, bien sec et langé, vit apparaître le visage de mère Zilpah. Il sourit. 

Enclavé dans la mirifique arche en acacia, les dix météoriques injonctions de l’enseignement, effacée au tabernacle d’Akita, une admonition sévère et juste de la nazaréenne menuiserie, arraché vivement aux étoiles par les mains de huit anges, puis largué en chute libre tout le long du transept des Alliances, le solaire encensoir de fer et de feu vers la Terre glissera-t-il ?

Du fin fond de la ceinture trans-neptunienne, Golgotha, le mythique Apophis brisé en dix parties, perça étincelant les blêmes cirrus du ciel. Fulgurant, le cortège aux roulements sourds des tambours se dirigea des sept collines de Rome aux ruines des sept lumières du mont Moriah. Alors, au tonnerre d’apocalypse et aux cris déchirants, le Maître – atrocement torturé pour sa bonté d’esprit et modernité en vue des cerveaux de tous les temps – vêtit de linceul la planète azur et exclut de sa coupe en étain les cafards obscurantistes des égouts de l’humanité. 

Au cosmos virtuel-concret, lieu de souveraineté à la fois ternaire et unique par perfection, sainteté et amour – créé par trois galaxies novatrices émigrées au continuum Oméga – le Royaume repeignit l’édifice de la science du Big Bang au bicolore diamant de la Genèse. Ora vit Gad exilé au ventre maternel par l’escalier de Jacob, s’idolâtrer à l’or perfide, se balancer au temple désavoué, parce que Lui, éclipsé par le trou noir tout au long de milliers de lunes, sabra l’ethnique bouteille de Klein et fit goûter l’omniscience à toutes les races d’Adam. 

À l’ordinateur subatomique, siège d’ex-mondes acquis en temps réel et reconstruits selon les transgressions individuelles, le libre arbitre mit en scène l’Homo Sapiens, chef-d’œuvre malgré les bestioles anti-humaines, relèves des non-voyants, car deçà et delà, exister, c’est aimer.

En 277 av. J.-C., dans un harem émanant de subtiles odeurs au vent étésien, le roc lia les mémoires de Gad, noyé en 227, à ses propres selles vieux cuivre au sein de Zilpah en couches, parmi la Voie Lactée de femmes et hommes généreux et la voie lactée de la pierre rétroactive.

Alain Cocarix





Conte imprimé sur http://www.contes.biz